Extrait de mon objet littéraire : “Dictionnaire Amoureux de l’Aidant”
Un jour, la vie et ses cabosseries vous attrapent, vous rattrapent et vous devez ralentir…
Pour ma part, j’ai longtemps couru, au propre comme au figuré ; et la période où je courus le plus, au boulot, à l’heure du déjeuner, le dimanche dans des compétitions locales, fut aussi celle où je m’affairais le plus dans la vie. Vous savez, à la trentaine quand vous êtes au summum des responsabilités familiales et professionnelles : jeunes enfants à déposer le matin à l’école, diverses intendances domestiques à gérer, activités à assumer le mercredi et le week-end, tournée des médecins, coaching de la nounou, bref, je ne vous propose pas un dessin, mais un gros nuage de points ! À l’époque, il n’y avait pas de nom pour cela. Maintenant, c’est clairement identifié sous le très évocateur « charge mentale ».
À l’époque, le running n’était pas aussi populaire que maintenant, et surtout pas auprès du public féminin. Face à une amie qui s’étonnait de me voir courir pour le plaisir et qui me demandait, en bonne psychologue du dimanche, « Mais après quoi tu cours ?», j’avais tout un tas de bonnes raisons à proposer : vouloir s’aérer la tête, pouvoir partager le loisir du chéri, entretenir sa forme, se socialiser dans un club de joyeux runneurs…
Quand la vie vous oblige à ralentir
Et puis un jour, j’ai ralenti. Un peu. C’était à l’époque de mes 40 ans, un gros stress familial, concomitamment à la perte de ma grand-mère, la perte de mes repères.
Et puis, j’ai dû ralentir encore, quand, au travail, j’ai commencé à avancer à reculons, à ne plus être du tout en phase avec ce que j’accomplissais au quotidien, et forcément à tout remettre en question.
Et encore un peu plus tard, j’ai marqué un grand coup d’arrêt quand Maman est tombée malade. J’ai reçu un gros coup de massue. C’est à ce moment-là que je suis devenue Aidante. C’est là que j’ai dû ralentir.
J’ai revu mes priorités. Je suis passée professionnellement à temps partiel. J’ai calqué mon rythme sur les rendez-vous médicaux de Maman. J’ai appris le sens du mot “salle d’attente”. J’ai compris pourquoi on appelait les malades des “patients”.
Devenir Aidant, c’est devoir rester actif et maître de son énergie quand vous recevez un magistral coup de massue.
Ensuite, la maladie est passée. Elle a abîmé beaucoup de choses et a contribué à en ralentir bien d’autres.
Cette période, qui a surgi à l’aube de ma cinquantaine, a été d’une cruauté immense. Quelle douleur de se voir rattraper par la marche inexor
able de la maladie ! Quelle difficulté de devoir accepter l’inacceptable! Et pourtant, on le fait, on y parvient. Quel autre choix que mettre un genou à terre, courber l’échine, en l’occurrence moi, ce sont les cervicales.
Accepter un nouveau rythme
Mais contre fortune bon cœur, un jour, au bout d’un parcours long de deux années, j’ai vraiment accepté, réellement et pleinement. J’ai ressenti l’acceptation ; c’était un sentiment naturel, et non plus l’intime mantra d’auto-persuasion. J’ai accepté, j’ai ralenti le pas, observé ce qui m’entourait. J’avais l’impression étrange d’avoir été plongée dans un chaos ambiant, d’observer de l’extérieur la somme de gestes et de mouvements qui composaient ma vie, mon quotidien jusqu’à présent, mais qui semblaient s’agiter sans aucune logique ni cohérence.
Pourtant en arrière-plan, en fond sonore et visuel, il y avait également une foultitude de jolies choses et de ressources magiques. La permanence de la nature, le soleil qui continue à se lever chaque matin et qui réchauffe les pommettes crispées et les yeux humides, les couleurs du jardin, le chant léger des oiseaux, la course des écureuils, le rire des amis avec qui on passe juste un moment à boire une bière, à parler d’un film, à projeter un voyage, les enfants qui même devenus grands restent des êtres magiques et désarmants.
J’ai appris à accepter et surtout à aimer ce rythme qui me permet de profiter de ces moments modestes. Il prend plusieurs formes : l’écoute, la photographie, la cuisine, la marche (qui remplace progressivement la course…), la danse, le jardinage, la sieste dans le jardin, l’attente dans les aéroports… Je les aime toutes.
Un style de vie
Slowlife est devenu mon mode de vie. Je le considère comme un luxe. Je prends mon temps, je ralentis le rythme, je prends du temps pour moi, j’essaie d’en donner aux autres, je me connecte le plus souvent possible à la nature.
Oui, c’est vraiment un luxe…
A suivre…..