On entend régulièrement parler des « Soft Skills » et de leur rôle émergeant dans le Management. Marie Hélène, je sais à quel point vous accordez de l’importance aux sujets RH. Pouvez vous nous donner votre vision sur ce sujet ?
Marie Hélène DUGAS, Directrice La Compagnie de Formation, groupe EduServices, Enseignes Pigier, Esicad, campus de 2500 élèves,et plus de 500 entreprises partenaires.
MHD : Commençons très scolairement par une définition ! (rires). On appelle Soft skills, les « compétences comportementales » ou encore «compétences douces» en opposition aux compétences « dures » : techniques, liées à l’expertise d’une fonction ou d’un métier.
Ces compétences « personnelles et individuelles » ont souvent trait aux attitudes, aux émotions. Elles résultent d’une volonté de prendre en compte le « savoir-être » des candidats, des employés, qui s’est fait de plus en plus prégnant dans les besoins des entreprises. L’un compte tout autant que l’autre et on peut le constater de plus en plus, dans les descriptions de poste. J’ajouterais que la crise a renforcé le phénomène…et c’est sans doute pour cela que l’on en entend de plus en plus parler.
Quelles sont les principales Soft Skills ou Compétences Relationnelles ?
Il y en a plusieurs, bien évidemment. Et elles dépendent directement de l’entreprise, de son histoire, de son secteur d’activité.
Pour citer les principales, je dirais la pensée critique, la créativité, le leadership, la coordination avec les autres, l’adaptation, l’innovation, l’intelligence émotionnelle, le discernement et la capacité de prendre une décision, la résolution de problèmes complexes, mais aussi la négociation, l’agilité et bien sûr l’apprentissage.
Comment les intégrer au monde de l’entreprise, quelle que soit la taille de celles-ci ?
Préparer son entreprise au « mouvement », au changement de la société est effectivement tout l’enjeu. Nous avons pu constater récemment à quel point le facteur humain est crucial dans la vie et la survie d’une entreprise. La crise nous l’a rappelé de manière brutale et cela vaut autant pour les grands groupes que pour les TPE.
Je pense qu’il est essentiel d’aider les « compétences clé » à se développer. C’est d’autant plus important que les entreprises sont en mutation, et de fait, les métiers aussi. Il est important d’avoir une vision à moyen et long terme pour envisager l’entreprise de demain. Il existe, il a d’ailleurs toujours existé, une obsolescence programmée des métiers. Ils vont changer, évoluer ou même disparaitre partiellement ou totalement au cours des années à venir : 85 % des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui ! Ce chiffre montre la nécessité de réfléchir mais aussi de s’adapter à ces changements. D’ailleurs à mon sens, l’adaptation est un des deux soft skills à prendre en compte prioritairement.
Le premier étant l’apprentissage : apprendre en continu pour ne pas décrocher, se faire distancer par les nouvelles technologies. Les responsables RH doivent au minima miser sur ces 2 compétences. Ce sont des paris gagnants pour l’avenir.
Les RH des grands groupes, les responsables de TPE et bien sûr nous-mêmes, groupe pédagogique référent, avons une évidente responsabilité sur ce sujet: il faut préparer au mieux les collaborateurs, dans ce sens.
Quelles sont d’après vous le priorités ?
Il faut d’abord identifier les tendances émergentes. Précisément, j’en citerais deux, incontournables : l’impact du digital dans notre quotidien professionnel et d’autre part, le télétravail. La crise sanitaire a eu cela de bon qu’elle a mis un formidable boost à cet outil jusqu’ici un peu sous développé, du moins en France. (J’en profite pour un coup de chapeau à mes équipes enseignantes et informatiques qui ont su, dès le deuxième jour du confinement, proposer la totalité des cours en distanciel.)
J’ajouterais que la notion « transversale » d’agilité est également au premier plan. Même si le terme peut paraitre un peu galvaudé, il ne faut pas sous-estimer l’ampleur et la vitesse des changements. De manière individuelle ou collective, il est absolument nécessaire de se doter de compétences d’agilité.
Bien évidemment, je clôturerais la liste par celle qui me tient le plus à cœur et que je défends depuis plus de 20 ans au sein des établissements du groupe LCF : l’apprentissage. Il est au cœur du dispositif de pérennisation d’une entreprise et la clé de l’employabilité pour les jeunes.
Comment favoriser l’apprentissage ?
Il y a différentes façons d’envisager cela. Tout d’abord, la définition même de l’apprentissage nous amène à penser « Transmission ». Comme nous l’avons vu précédemment, les entreprises vivent, dans de plus ou moins grandes proportions, l’obsolescence programmée de certains métiers, voire de certaines pratiques. Il est essentiel d’en prévoir la « sanctuarisation », même si le mot peut sembler fort, la pérennisation, ou tout du moins l’enregistrement.
Deux cas de figure : la transmission aux salariés « installés » ou à un salarié « en apprentissage ». Le Mentoring au sein de l’entreprise est un facteur clé de succès, et de motivation. Le partage d’une pratique, la communication induite, sont des moments privilégiés qui s’étendent au-delà de la pratique technique d’un métier. Ils concourent également à une forme de transmission des valeurs internes, une meilleure connaissances des produits de l’entreprise, des attentes des clients, voire à l’adhésion au projet d’entreprise.
A mon sens, l’Afest en est une illustration pratique et parfaite. Elle permet de valoriser des situations de travail existantes, du «travail sur le tas», comme on a l’habitude de les nommer pour les mettre en lumière et les intégrer à un cadre plus formel. Par ailleurs, après la pratique, chacun peut être amené à s’autoévaluer : le tuteur dans sa posture de Manager, qui n’est pas toujours une posture naturelle, et l’apprenti dans le questionnement sur ses aptitudes avérées ou à développer.
Je souligne d’ailleurs que l’auto-évaluation, est une des autres soft skills précédemment mentionnées, au même titre que la créativité, le leadership, la coordination avec les autres, la pensée critique : autant de cases cochées par l’Afest ! Par ces réponses aux évolutions de l’entreprise, l’Afest prouve son utilité aussi bien à l’employeur qu’au jeune : Il favorise l’intégration dans l’entreprise et augmente l’employabilité de nos étudiants.
A l’heure de la crise, les enjeux d’adaptation sont énormes. C’est une chose d’en avoir conscience et c’en est une autre de proposer des solutions, concrètes et utiles au plus grand nombre. Alors oui, nous avons lancé l’Afest dans un contexte chahuté. Tout n’est pas encore parfaitement stabilisé, il y a encore des questions sur certains détails mais c’est en très bonne voie et les retours, les témoignages que nous avons recueillis de part et d’autre récompensent les efforts mis en œuvre et nous encouragent à poursuivre.
L’Afest est un levier majeur pour préparer l’avenir. Ne pas subir, mais être acteur. C’est une formidable opportunité.