Cette course effrénée du quotidien, apprendre à ralentir
“Je me souviens de mes voyages à pied dans l’Himalaya, à cheval dans les monts Célestes, à vélo il y a trois ans, dans le désert de l’Oustiourt. Cette joie, alors, à triompher d’un col. La rage carnassière à abattre les kilomètres. L’envie de mourir d’avancer. Parfois, j’allais tel un possédé, marchant jusqu’au délire, à l’épuisement.
Dans le Gobi, je m’arrêtais pour passer la nuit, là, m’écroulant sous moi à l’endroit de mon dernier pas et repartais le lendemain, sitôt l’œil ouvert, machinalement. Je jouais au loup, à présent je fais l’ours. Je veux m’enraciner, devenir de la terre après avoir été du vent. J’étais enchaîné à l’obsession du mouvement, drogué d’espace. Je courais après le temps. Je croyais qu’il se cachait au fond des horizons.” Sylvain Tesson, “Dans les forêts de Sibérie”, éd. Gallimard, 2011
Le texte de Sylvain Tesson illustre avec lyrisme “la course quotidienne” que nous vivons, où l’on est “toujours dans la recherche du mouvement, de l’activité, dans le faire”.
Pour revenir à un quotidien plus concret, les vacances de la Toussaint, marquées par le passage à l’heure d’hiver, sont peut-être l’occasion de nous interroger sur nos rythmes de vie. La crise sanitaire, le confinement, et pour la plupart d’entre nous, le couvre-feu nous y ont déjà forcés . Et nous ne sommes pas tous égaux dans cette épreuve ou expérience. Mais n’est-ce pas l’occasion de nous emparer du sujet et de le vivre en pleine conscience et volonté ? N’est-pas l’occasion parfaite de ralentir un peu le rythme ?
“S’arrêter c’est ouvrir un autre monde.”
“Ce n’est pas parce qu’on vit à 100 à l’heure qu’on vit à 100% !” aime dire Mélanie, coach thérapeute pour résumer le concept de slow life. Concept qui “ouvre à une perspective de mode de vie qui inviterait à vivre plus en conscience, à sortir un petit peu de ce mode automatique pour revenir à l’essentiel à des choses simples, et à l’instant présent, finalement”. Il s’agit là de ralentir, de prendre le temps.
Se recentrer, accorder plus de temps à l’essentiel… Dans son cabinet et au travers de témoignages, Mélanie observe chez nos contemporains, “un véritable besoin de ralentir”, que “certains ont plus de mal à formuler”, notamment parce qu’ils se sentent coupable d’aller à contre-courant de ce que nous impose la société. La slow life est “une invitation à reprendre les rênes de sa vie, plutôt que de se laisser guider par le flux quotidien”.
Le Slow se décline sous de multiples facettes
Tout d’abord, au centre de tout, notre rythme, l’organisation de notre propre « agenda » et la place que nous nous y octroyons : quels gestes simples accordons nous à notre bien-être : un petit rituel étirement le matin ? Stretching le soir ? Bain relaxant ? Marche déconnectée ? Quand décidons nous de mettre sous veilleuse les pensées qui agitent en permanence notre esprit ?
On peut aussi envisager, l’autre carburant essentiel à notre bon fonctionnement : notre nourriture et son mode d’absorption !
Sans doute pour la plupart d’entre nous, pratiquons nous le «Slow Food » sans le savoir . En consommant des légumes et fruits de saison, cultivés près de chez nous, sur nos territoires. Dégustés ensuite en pleine conscience, bouchée après bouchée, retrouvant ainsi le privilège du moment repas et autre possibilité d’écouter notre corps.
S’habiller upcyclé, seconde main, ou avec des vêtements écoresponsables… En matière d’habillement aussi, la “Slow Fashion” nous fait repenser notre rapport à la consommation.
Les vêtements jetables, pour la plupart fabriqués à la chaîne dans des pays peu soucieux du droit des travailleurs, adultes ou enfants, sont objectivement polluants et marquent de leur périple mondialisé une forte empreinte carbone. On a beau éclairer nos consciences sur le sujet, nous ne sommes pas à l’abri d’un geste impulsif ou d’une simple envie légitime de se faire plaisir, tout simplement. Heureusement, une tendance de fond est en marche : de nombreux artisans et industriels de la mode se tournent de plus en plus vers un sourcing plus durable, à la recherche de matière éco-compatibles . Les boutiques de “seconde main”, recyclages ou upcycling comme les Résilientes, par exemple, la filière RSE et Design de Emmaüs, fleurissent dans les grandes villes où de plus en plus fréquemment dans des tiers lieux réinventés.
Le “Slow Reading“, nous rappelle comment le soin et le réconfort peut venir des livres, des textes qui nous font rêver et voyager et de la poésie qui allège nos inquiétudes.
Quant au “Slow Travel“, il nous invite lui, à arpenter calmement des paysages et à les traverser en les regardant vraiment, les sentant, les gravant dans nos mémoires. Marcher, privilégier le train ou le covoiturage quand c’est possible. Partir plus longtemps pour « amortir » notre bilan carbone ?
Bien sûr je vous parle d’un monde idéal. Mais la politique des petits pas est à portée de chacun d’entre nous. Du moment qu’il en a envie et s’en donne les moyens.
Encore faut il avoir le temps de prendre le recul nécessaire pour cela! Alors après votre déjeuner, que diriez-vous d’aller marcher une dizaine de minutée déconnexion du portable et en écoute de vos envies ? De ralentir quelques minutes ?